
Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris
Tour 44-43 / 4ème étage
Case courrier 174
4, Place Jussieu
75005 PARIS
France
Thibaud CORADIN
Directeur(trice) de Recherche
MATBIO
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DES TISSUS BIOLOGIQUES AUX BIOMATERIAUX
Mes activités de recherche s’inscrivent dans l’étude des interfaces entre les matériaux et les organismes vivants. Ma démarche est centrée sur l’utilisation de phases condensées naturelles comme modèles des principes régissant la biochimie des matériaux (des systèmes auto-assemblés à la biominéralisation) et comme matières premières pour l’élaboration de matériaux (nanomatériaux, gels, nanocomposites) pour des applications dans le domaine de la santé et de l’environnement.
Je participe à plusieurs projets de l’équipe Matériaux et Biologie du LCMCP, en particulier sur l’utilisation de biomolécules (collagène I, fibrine, chitosane) pour l’élaboration de biomatériaux mais aussi dans le domaine des matériaux antibactériens à travers diverses collaborations. Je suis aussi accueilli à temps partiel dans l’équipe UR 2496 Pathologies, Imagerie et Biothérapies Oro-faciales (Faculté dentaire de Montrouge, Université de Paris Cité) afin de contribuer à des projets interdisciplinaires à l’interface chimie des matériaux-médecine.
Post-doctorant(e)s, Doctorant(e)s, Stagiaires:
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Le fil rouge de ces différentes activités est mon expertise dans le domaine de la chimie de la silice et de l’élaboration de matériaux à base de biomolécules, telle qu’elles existent dans le vivant et de leurs applications dans le domaine biomédical. Récemment, j’ai développé un nouvel intérêt pour la caractérisation et la réparation des tissus dentaires.
I. Bio/chimie du silicium: implications et applications
(1) Biominéralisation de la silice
Du fait de sa large distribution sur la planète, la silice est présente chez de nombreux êtres vivants. Les processus de formation de la silice (biosilicification) est, chez certains organismes, parfaitement bien contrôlée (transport actif à l’intérieur de l’organisme, contrôle temporel et spatial de la minéralisation) mettant en jeu une activité biologique spécifique.
Nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux mécanismes de silicification contrôlée chez les diatomées et certaines éponges (voir image ci-dessus, réalisée par A. Pisera – Polish Academy of Science). Dans ces organismes, le contrôle de la formation de silice est assurée par un ensemble complexe de biomolécules dont la structure, la production et l’organisation sont régulées par la cellule, sous contrôle génétique. Il ne s’agit évidemment par pour nous de comprendre les mécanismes biologiques mis en jeu mais de comprendre les principes de chimie et physico-chimie qui régulent les interactions entre les molécules biologiques et la silice. Nous avons en particulier démontré que des polymères contenant des amines pouvaient accélérer la formation de la silice dans des milieux aqueux.
Cette capacité de certains organismes vivants de survivre dans un matériau à base de silice nous a conduit à développer des procédés d’encapsulation de bactéries et de microalgues dans des matrices siliceuses obtenues par voie sol-gel. Une approche dite composite a été mise au point qui permet de conserver ces organismes vivants sur plusieurs semaines. Elle a pu récemment être utilisée pour la mise au point de biocapteurs de polluants.
(2) Silice et santé
Les interactions entre silice et vivant sont aussi intéressantes à étudier chez les animaux et les humains. Le silicium est présent en petites quantités dans les fluides biologiques (sang) et dans les tissus durs (dents, os). Néanmoins, son rôle biologique sur la formation de ces tissus est encore mal connu et constitue un nouvel axe de mes recherches.
Les nanoparticules de silice sont présentes dans de nombreux produits du quotidien. En outre, la silice obtenue à l’échelle nanométrique a démontré un large potentiel, au moins académique, pour des applications thérapeutiques (« nanomédecine »). Par exemple, le dessin ci-dessous, réalisé par Y. Shi, montre une particule de silice délivrant des molécules actives à des cellules cancéreuses.
Dans ce cadre, il est important d’évaluer la toxicité des nanoparticules à base de silice. Cela inclut d’étudier et comprendre leurs interactions avec notre corps à différentes échelles, des organes aux cellules. Nous avons déjà mené plusieurs études sur l’effet de la taille et de la chimie de surface des particules sur leur devenir dans des modèles de tissus. Nous avons aussi pu mettre en évidence la capacité de cellules animales de dissoudre la silice intracellulairement. Notre questionnement actuel s’oriente selon 3 axes (i) ce processus est-il sous contrôle biologique (intervention d’enzymes spécifiques) ou purement physico-chimique (équilibre de solubilité) ? (ii) peut-on moduler ce phénomène en jouant sur la composition ou la stucture de la silice ? (iii) quelle est l’influence des produits de dissolution sur l’activité biologique de la cellule.
II. Elaboration d’hydrogels « biologiques », hybrides et nanocomposites pour des applications biomédicales
Les matériaux médicaux (prothèses, implants,..) et pharmaceutiques (pansements, cachets/capsules pour médicaments,..) ont en commun de devoir être compatibles avec des systèmes biologiques (relativement) simples (enzymes, anti-corps,..) ou complexes (corps humain). Cette condition de compatibilité est tellement contraignante que la variété de composition chimique des matériaux actuellement utilisés dans ces domaines est relativement limitée au regard de la composition des matériaux effectivement disponibles et qui couvrent presque l’ensemble de la classification périodique des éléments.
(1) Hydrogels à base de polymères naturels
Il est considéré actuellement que, pour remplacer ou réparer un tissu, une approche biomimétique, c-à-d l’élaboration d’un biomatériau qui ressemble le plus possible à ce tissu, est particulièrement pertinente. En particulier les principales molécules qui le composent constituent des composants de choix à partir desquels le matériau peut être construit. L’équipe MatBio utilise depuis de nombreuses années le collagène de type I, protéine majoritaire de nombre de nos tissus, pour élaborer des biomatériaux. L’UR 2496 utilise aussi des gels denses de collagène pour la réparation cranio-faciale. Récemment, je me suis aussi intéressé à la fibrine, responsable de la formation du caillot sanguin (image ci-dessous, K. Wang, L. Trichet et C. Peccate).
Ces deux protéines ont en commun de former des hydrogels par une processus d’auto-assemblage (fibrillogénèse) mais leur structure, dimensions et réactivité sont très différentes. En outre, elles peuvent avoir des affinités dissemblables vis-à-vis de certaines cellules. Un de nos objectifs actuels est de pouvoir combiner ces deux protéines au sein d’un même biomatériau. En plus de ces deux systèmes, nous développons aussi des matériaux à partir d’autres polymères naturels, comme la gélatine, l’alginate, le chitosane ou la pectine, pour tirer profit de leurs propriétés de gélification ou pour leur propriétés antibactériennes. Plus récemment, j’ai également commencer à travailler sur des biomatériaux polymères à base de monomères bio-sourcés, en collaboration avec D.L. Versace (ICMPE).
(2) Hydrogels nanocomposites
En parallèle, nous nous attachons à étudier la contribution de matériaux à base de silice dans le domaine médical. En particulier, nous cherchons à démontrer l’intérêt de développer des bio-matériaux associant des polymères biocompatibles (collagène, fibrine) avec de la silice. Nos travaux ont montré que la silice pouvait améliorer les propriétés mécaniques des gels biologiques sans impacter significativement la réponse cellulaire et in vivo. Cependant, ceci dépend très fortement de la nature chimique et de la morphologie des silices utilisées. En effet la silice peut à la fois influencer les propriétés d’organisation des polymères et les capacités d’adhésion des cellules.
L’illustration présentée ci-dessus montre par exemple que des bâtonnets de silice incorporés dans des matériaux à base de collagène peuvent orienter la croissance de cellules de la peau. L’utilisation de particules de silice portant des peptides bio actifs, des antibiotiques ou des plasmides, qui peuvent être incorporée dans les hydrogels biologiques pour former des bionanocomposites a aussi été étudiée.
Au delà de la silice, nous avons aussi acquis une bonne expertise dans la synthèse d’hydroxyapatite à l’échelle nanométrique et leur association avec des molécules organiques. Nous explorons aussi l’incorporation de nano-objets naturels (nanocristaux de cellulose) ou de synthèse (polyesters biodégradables).
III. Science des matériaux dans le contexte dentaire
J’ai récemment découvert la complexité et la richesse de la science des matériaux dentaire, qui englobe à la fois la formation et la structure des tissus dentaires mais aussi les biomatériaux utilisés pour leur réparation. Actuellement, je suis fortement impliqué dans la caractérisation de défauts de l’émail. J’apporte mes connaissances en chimie de l’hydroxyapatite et dans les méthodes d’analyse du solide (microscopies électroniques, DRX, spectroscopies vibrationnelles,…) pour étudier la structure et la composition de dents pathologiques à différentes échelles. (image ci-dessous, S. Houari et al.)